Alors que Pierre-Paul de la Haye-Montbault, chevalier, seigneur de la Sévrie était encore mineur,   un curieux procès s’éleva au sujet des fonctions de sacristain dans l’église des Cerqueux. Il était d’usage que le Seigneur de la paroisse  nomme  quelqu’un à cette fonction, sur présentation du curé.  Le Comte de Maulévrier, en cette qualité, en avait investi un nommé Aubin Mousset[1]. Celui-ci étant mort, Jean Mousset, son fils, pris sa place sans demander au Comte de Maulévrier qui, depuis la mort de la Marquise de Laval-Lezay, Dame de la Sévrie, s’était posé de nouveau comme Seigneur fondateur des Cerqueux. En ne demandant rien au Comte de Maulévrier, Jean Mousset avait fait plaisir à Suzanne Carrion, Dame de la Sévrie et mère de Pierre-Paul de la Haye-Montbault, qui contestait aux Seigneurs de Maulévrier le patronage de la paroisse.
mousset

Signature de Aubin Mousset

Quelques temps après, le nouveau curé des Cerqueux, le Sieur Jacques Pigeol,[2] destitua Jean Mousset et le remplaça, de son autorité privée, par Jacques Barbault.
Mousset comptait dans la paroisse grands nombre de parents et amis qui s’élevèrent contre sa destitution et son remplacement par Barbault, prétendant que le curé n’avait pas le droit de le nommer aux fonctions de sacristain sans l’accord des paroissiens et ils furent chaudement soutenus par Madame de Montbault (Suzanne Carrion) dame de la Sévrie.
Ainsi donc voilà la paroisse des Cerqueux dans un état d’effervescence extraordinaire. Toutes les oppositions que rencontra le curé Pigeol donnèrent lieu à des contestations et à des troubles tels qu’il se vit obligé de recourir aux tribunaux.
Le 27 juillet 1701, une décision du Présidial d’Angers approuva la nomination de Barbault et interdit à Mousset, sous peine de 50 livres d’amende, de le troubler dans ses fonctions.
Le 31 juillet, Mousset fit appel de cette sentence auprès de l’Evêque de la Rochelle, mais le 17 septembre, les plaintes du curé, contres les insolences de Mousset et les troubles causés par lui et par ses partisans firent que le dit Mousset et son frère furent condamnés à être emprisonnés et ce dernier, qui se trouvait à Angers, y fut arrêté.
Jusque là, comme on le voit, tout allait bien pour le curé Pigeol, mais il adressa un  rapport à son Evêque de La Rochelle qui, après enquête, confirma par son ordonnance la destitution de Mousset et la nomination de Barbault. Patatras ! Il n’en fallut pas davantage pour faire changer du tout au tout les dispositions des Messieurs du Présidial qui virent là un empiètement du pouvoir ecclésiastique contre le temporel.
Le 29 janvier 1702, le tribunal fit faire une enquête aux Cerqueux sur ce qui s’y était passé. On y releva avec soin toutes les plaintes et accusations portées contre le curé. Celui-ci chercha alors un appui puissant, celui du Comte de Maulévrier. Cette démarche était peut-être un peu tardive, mais il suffisait que Madame de la Sévrie fût dans le camp qui appuyait Mousset pour que le Seigneur de Maulévrier soit automatiquement dans l’autre.
Le 11 février, l’intendant de celui-ci écrivit de Paris au curé Pigeol :
« J’envoie à Monsieur le Sénéchal, Monsieur, les lettres de provision de sacristain de notre église, Barbault, ainsi qu’il me les a demandées. Je suis bien aise d’avoir l’occasion de vous faire plaisir et de ce que vous avez gagné votre affaire avec Mme de Montbault. Elle était si juste qu’il n’y avait pas à en douter. J’espère avoir le plaisir de vous voir bientôt. Cependant, croyez-moi, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. » Signé : Plantier
Le 18 février,[3] la sentence du Présidial renvoie le jugement à quinzaine et ordonne que le dimanche 26 février, à l’issue de la grand’messe, les paroissiens auront à se prononcer pour ou contre le maintien de Mousset comme sacristain ; Assemblée à la quelle ne pourront pas participer le curé, son vicaire,[4] les colons et fermiers, non plus que les frères, oncles et cousins germains de Mousset.[5] Le résultat fut de 39 voix pour Mousset et de 30 voix contre. Mais, quelques jours après, 8 autres paroissiens qui prétendaient n’avoir pas été avertis de cette assemblée, allèrent à Maulévrier, déclarer devant notaire qu’ils étaient contre Mousset.
Le 4 mars suivant, l’affaire revint et fût plaidée au Présidial. Le curé, présent, et le Comte de Colbert intervenant par son avocat et déclarant qu’il a nommé Barbault et qu’il demande son maintien. Mais, sans en tenir compte, le tribunal présidé par le Lieutenant-Général Louis Boylève, seigneur de la Gillière, assisté de 20 conseillers ; du Lieutenant particulier, de son assesseur, ordonne qu’une nouvelle assemblée aura lieu pour nommer un sacristain, à l’exclusion de Mousset et de Barbault.
colbert

Blason des Colbert

A la sortie de l’audience, plusieurs paroissiens du côté du curé allèrent saluer Guillaume Baudu, Comte de Serrault, aïeul maternel du Comte de Colbert, et recevoir ses ordres là-dessus. Il leur dit que, malgré cette belle sentence, il prétendait que le sieur Barbault exerçait ses fonctions de sacristain en vertu des pouvoirs de son petit-fils et qu’il les chargeait de dire au sénéchal[6] de Maulévrier d’aller le dimanche suivant montrer sa détermination aux Cerqueux et que s’il se trouvait encore quelques rebelles, on saurait bien les mettre à la raison. Cet ordre fut exécuté très ponctuellement et le sieur Barbault continua ses fonctions de sacristain.
       
[1] Dans les années 1660 on retrouve très souvent sa signature sur les actes d’état-civil, près de celle du Curé Brémond.
[2] Jacques Pigeol, ancien curé d’Yzernay. Curé des Cerqueux de 1690 à 1727.
[3] 1702
[4] Renou, qui était aussi Chapelain de la Sévrie.
[5] On ne sait pas qui sont les votants mais à priori les femmes n’avaient pas le droit de se prononcer.
[6] Dans le système féodal français, un sénéchal était un officier d’un seigneur, chargé de la justice seigneuriale

RETOUR VERS « Récits et faits divers »

RETOUR VERS « Du Moyen-Age à la Révolution »