C’est en observant avec attention la liste des « Morts pour la France » de la commune que l’idée m’est venue d’effectuer des recherches sur chacun des soldats figurant sur cette plaque de granit poli apposée sur le monument aux morts du cimetière des Cerqueux.

Monuments au morts detail

Comme dans beaucoup de petites communes, les noms des soldats sont classés par ordre alphabétique. Dans les communes plus importantes ils sont plus souvent classés par année de décès de 1914 à 1918 et plus.

C’est l’observation attentive de cette plaque qui m’a donné envie d’en savoir plus sur ces 31 soldats « Morts pour la France » :

  •  Quels étaient leurs âges, leurs professions ?
  •  Les homonymes étaient-ils frères, cousins ?
  •  Habitaient-ils le même village, étaient-ils amis ?
  •  Sur les 31 noms, pourquoi seuls les deux derniers ne sont pas classés par ordre alphabétique ?
  •  Et, question liée, pourquoi, lors de l’inauguration du monument aux morts, n’y avait-il que 29 noms sur la plaque ? 

Je n’ai volontairement pas fait appel aux organisations d’anciens combattants locales, ni aux archives familiales qui, j’en suis persuadé, subsistent en de nombreux endroits sous des formes diverses telles que lettres ou cartes postales. Si ce court travail permet de faire émerger d’autres éléments d’informations, nul doute que ce travail pourra être largement étoffé.

Je n’ai pu retrouver toutes les sépultures avec précision, certains soldats étant simplement déclarés comme « disparus » sur le J.M.O. (Journal de Marches et d’Opérations) de leur régiment.

Pour qu’un soldat soit déclaré mort, il fallait que deux témoins reviennent de l’attaque pour l’attester, faute de quoi il était déclaré disparu, le doute qu’il soit prisonnier subsistant jusqu’à la fin de la guerre.

Sur les fiches individuelles émanant du SGA (Secrétariat Général de l’Administration) du ministère de la défense, on retrouve la date du jugement et le tribunal qui l’a officiellement déclaré mort si son corps n’a pas été retrouvé. Sur l’état civil, figure l’acte de décès du soldat dans la commune du décès si celle-ci n’était pas en zone de guerre ou Brain Leondans sa commune de résidence avant la guerre. Ou la transcription ou le jugement du tribunal (jusqu’en 1924) s’il a été porté disparu, à la mairie du lieu ou il habitait avant de partir au régiment.

Or, près de 2/3 des soldats n’ont pas été identifiés. Il suffit de lire les livres des récits de ces soldats anonymes pour comprendre pourquoi. Six mois après les inhumations, les noms écrits au crayon de mine étaient déjà presque illisibles sur les croix de bois du champ de bataille. Pendant quatre ans les tombes ont été soumises aux bombardements et aux passages des troupes. Les soldats ont souvent été enterrés à plusieurs ensemble, surtout au début de la guerre, rendant l’identification individuelle impossible ensuite. Dans les batailles, les tués d’une seule journée se comptaient par milliers et devant le risque d’épidémie on enterrait à la va vite en recouvrant les corps de chaux vive. Ces corps servaient même, pour leur dernière utilisation, de protection sur le parapet de la tranchée.

Les cimetières contiennent jusqu’à 2/3 d’inconnus mis dans des ossuaires sous l’intitulé « français inconnu ». Dans ces ossuaires, il n’y a jamais de noms inscrits sur des plaques pour ces anonymes.

Mais la guerre a duré plus de quatre ans, et bon nombre de soldats sont encore sur le terrain car les obus, pendant toutes ces années, ont constamment bouleversé le sol, effaçant l’emplacement des milliers de tombes provisoires ou pulvérisant le corps des soldats lors de leur explosion. C’est surtout le cas pour les tués en zone adverse qui ont été enterrés en fosse commune sans identification, la plupart du temps dans d’anciennes tranchées. Chaque année des corps sont retrouvés et des familles ont la surprise près de 100 ans après, de retrouver un parent disparu.

Morts 14 18C’est le Curé Joseph Braud [1], érudit et passionné d’histoire, qui a établi plusieurs relevés concernant les jeunes gens des Cerqueux mobilisés, tués, disparus, prisonniers, pendant la guerre. Il a fait de même pour les garçons de la « basse-commune ».

Son arrivée aux Cerqueux en fin de conflit explique pour partie quelques erreurs de dates ou de lieux dans ses relevés.

Parmi les 31 tués de la commune :

  • 5 ont moins de 21 ans
  • 13 ont entre 21 et 25 ans
  • 9 ont de 26 à 30 ans
  • 4 ont plus de 30 ans

Le plus jeune est tué à 19 ans et 11 mois. Il avait été incorporé 9 mois plus tôt, 2 mois après ses 19 ans.

Le plus âgé décède à 38 ans, 2 mois après l’armistice, de maladie contractée pendant ses 50 mois de combats.

  1. LA MUNICIPALITE

Pendant la guerre 1914-1918, le maire était Basile Cailleau, né en 1851. Il était fermier au Cureau et père de huit enfants. Par sa mère il était aussi le petit-fils de Pierre Devaud, premier maire des Cerqueux et héros-paysan des guerres de Vendée. Après un premier poste de Maire de mars 1904 à janvier 1907, il fut réélu le sept septembre 1913 pour y rester jusqu’au trois septembre 1922. Son mandat s’étendit donc sur toute  la durée du conflit et c’est vraisemblablement lui qui eût la lourde tache d’annoncer aux familles les décès du champ de bataille. Notons qu’il paya à titre personnel un lourd tribu à la guerre puisqu’elle lui enleva trois fils.

Les autres membres du conseil municipal étaient les suivants :

  • Nestor Noyer, adjoint, vigneron, cafetier.
  • Pierre Michel
  • Pierre Humeau, agriculteur au Puy-Aubrun
  • Omer Papin, taillandier.
  • Auguste Brain 
  • Calais Vivion, agriculteur à l’Augerie.
  • Auguste Péridy, agriculteur à la Sallée.
  • Baptiste Grellepoix, maréchal-ferrant.
  • Henri Berson de La Foucherie.
  • Amand Michaud, agriculteur dans le bourg.
  • André Bareau, charron dans le bourg. 

2.  LA PAROISSE

Trois curés se succèdent aux Cerqueux pendant la guerre.

Léon Saudreau tout d’abord. En poste depuis 1909, il part en 1916 pour Saint-Rémy en Mauges.

Il est remplacé par le curé Auguste Menuau, originaire du Mesnil en Vallée. Il décède et est enterré aux Cerqueux en octobre 1917.

Le curé Joseph Braud (voir plus haut) lui succède.

Les curés se faisaient aider dans leur tâche de gestion de la paroisse par le conseil de fabrique. Jusqu’en 1905 et les lois de séparation de l’Eglise et de l’Etat le maire de la commune en était membre de droit. Le conseil des Cerqueux était composé de Jean Grellepoix, Pierre Coutant, du bourg, Pierre Baudry, Louis Simonneau, de La Loge et Auguste Humeau, agriculteur à la Grande Troche.

3.  LA POPULATION

Un peu plus de 150 jeunes des Cerqueux seront mobilisés pendant la guerre 14/18, sur une population de 600 habitants dont la moitié de femmes. 31 y trouveront la mort, 14 seront faits prisonniers.  La commune mettra plus de 15 ans à s’en remettre car la population passe de 607 habitants en 1911 à 556 en 1926. (Disparus + manque de naissances)

Au début du XXème siècle, on dénombrait environ 60 exploitations agricoles aux Cerqueux. Leur surface moyenne était d’une vingtaine d’hectares et les propriétaires pouvaient changer de fermier comme bon leur semblait sans que ce dernier puisse protester.

On produisait essentiellement du blé, de la viande et quantité de choux. Dans chaque ferme il y avait en plus quelques cochons, poulets et poules dont les femmes s’occupaient. La production de la ferme telle que le lait, les œufs, le beurre étaient vendus directement aux habitants du bourg.

En l’absence de machines, les travaux se faisaient manuellement et demandaient beaucoup de main d’œuvre. Dans presque toutes les fermes il y avait un ou plusieurs ouvriers agricoles. On en a compté jusqu’à quatre-vingt sur le territoire de la commune. La guerre 14/18 amènera une grave pénurie de main d’œuvre et un renchérissement extrêmement important du coût des ouvriers agricoles.

Haut de page

[1] Le Curé Joseph Braud est né à Vezins le 17 juillet 1871. Il arrive aux Cerqueux en pleine guerre le 26 novembre 1917.