Dans un article du journal « L’Homme Libre » du 11 novembre 1913, Georges Clémenceau poursuit son combat contre le Préfet de Maine et Loire et la municipalité des Cerqueux, coupables à ses yeux de favoriser l’école libre des Sœurs au détriment de l’école publique et laïque dirigée alors par Clémentine Naulet.
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L’institutrice
Il mandate un de ses amis pour aller visiter l’école publique et publie son récit dans son article intitulé « Tourisme d’exploration »
« C’est une construction dont on ne peut même pas dire qu’elle soit de modeste apparence, car cela impliquerait un petit bâtiment simple, mais de mise honnête. Or, tel n’est pas du tout le caractère de ce logis scolaire.
Ecole de filles en 1910

A droite l’école couverte de vigne

Assez vaste au contraire, mais envahi par une mousse humide, on dirait une vieille demeure abandonnée. Il s’étend, long et bas, entre une cour où l’herbe est drue, et une sorte de fossé que borde un mur à hauteur d’homme. La façade, si le mot n’est pas trop ambitieux pour cette espèce de bâtisse qu’on croirait affectée à des communs, est orientée vers le nord et subit l’assaut glacé de la bise.
On ouvre une petite porte vitrée, fort mal close. On descend deux marches, et l’on se trouve sur le carreau humide d’une salle où l’eau a laissé la trace de ses longs et fréquents séjours. Deux tables fort anciennes révèlent que c’est ici la classe, réglementairement du moins, car depuis longtemps l’institutrice a dû renoncer à y installer ses rares élèves : elles y feraient provision de plus de bronchites que de science. Aux saisons de fortes pluies, c’est à grand ‘peine qu’en bouchant avec des planches les fâcheuses issues on peut arrêter l’inondation de cette salle en contrebas du sol environnant.
Pénétrons dans la pièce attenante. L’eau y suinte encore mais n’y ruisselle pas avec la même impétuosité. Quatre ouvertures y distribuent de cruels courants d’air dont, faute de cheminée, on ne peut se défendre. Clarté chichement mesurée. N’importe : c’est ici qu’on apprend à lire, à écrire, à compter, autour d’une petite table ronde appartenant à l’institutrice. L’administration paternelle avait prévu que ce serait ici la salle à manger-cuisine, ou de préférence peut-être le salon, car il n’existe ni évier, ni aucune commodité ménagère.
Plan 1850 C. Port

Plan de C. Port aux ADML

Un peu frissonnant, passons dans un réduit contigu. Ici, du moins, une cheminée. Quel dommage que deux personnes ne puissent s’y mouvoir dès qu’on y a installé une table et trois chaises. Quel dommage encore que les murs s’écroulent et que le plafond ait cessé d’exister.
Revenons à la pièce centrale où donne un escalier qui conduit aux chambres supérieures. Mais quelle étrange surprise ! Un escalier incite à lever les yeux, et voici qu’on découvre au plafond un trou d’un demi-mètre carré. C’est une vue que l’écroulement du plancher a ménagée du rez-de-chaussée sur le premier étage. Les environs de cette ouverture accidentelle menaçant ruine pareillement si l’on y aventure ses pas inexperts, il n’en faut pas davantage pour rendre inhabitable une chambre dont le parquet cède sous les pieds.
Par bonheur, une autre chambre s’étend sur la salle de classe. Six mois de l’année on y vit au-dessus d’une petite mare croupissante. Mais de quoi se plaindrait l’institutrice ? Ne bénéficie-t-elle pas dans sa chambre du luxe, si rare en cet immeuble, d’une vaste cheminée excellente pour la ventilation ? Voilà de quoi combattre les effluves humides qui se dégagent de l’étage inférieur où l’eau des environs trouve son écoulement naturel.
Quand je vous aurai dit, pour compléter le tableau, que la cour qui surplombe l’école est un ancien cimetière et que, de temps à autre, on peut retirer du sol quelques ossements auxquels le fossoyeur veut bien accorder l’hospitalité du nouveau champ des morts, vous aurez le tableau complet de ce « palais scolaire », pièce de choix découpée dans le blanc manteau d’écoles, dont la France est couverte, nous dit-on. »
école

En jaune l’emplacement de l’école, jouxtant le cimetière jusqu’en 1880