Depuis Richelieu et jusqu’à la Révolution, le Royaume de France est administré à travers les Paroisses créées par Charlemagne. Le Curé en est le Chef spirituel, ainsi que pasteur de la communauté villageoise qu’il gère avec le Conseil de Fabrique ayant à sa tête un marguillier.
Le départ des réformes de l’administration débute avec la création des premières municipalités par l’édit Royal de Louis XVI du 26 juin 1787. Leurs circonscriptions sont calquées sur les paroisses existantes et elles vont être administrées par un syndic municipal élu pour trois ans au suffrage censitaire[1]. Le Seigneur et le Curé sont membres de droit de cette administration.
Les conditions des élections étaient les suivantes : Avoir 25 ans révolus, habiter depuis plus d’un an dans la paroisse, payer au moins 10 Livres d’impôts pour pouvoir voter et 20 Livres pour être éligible.
A la veille de la Révolution la population vivait de peu. Les rendements agricoles étaient faibles dans la région. Céréales et arbres fruitiers constituaient les principales ressources auxquelles s’ajoutait l’élevage des bovins, des moutons et des chèvres. Par ailleurs, chaque foyer, dans le jardin attenant généralement à la maison, récoltait ses propres légumes. Polyculture et production familiale étaient les marques de l’économie agricole. Le manque de capitaux et l’émiettement des propriétés[2] interdisaient l’amélioration des sols et des procédures.
L’industrie n’ajoutait que très peu aux ressources agricoles. Aux Cerqueux, seules les toiles de Cholet fournissaient un peu de travail aux tisserands locaux.
Dans ces conditions, seule une faible partie de la population allait pouvoir réunir les conditions de Cens nécessaires à ces élections municipales.
En août 1787, au moment des élections, la paroisse des Cerqueux comptait 98 feux[3] pour 550 habitants. Sur ce nombre, on n’enregistra que 26 votants. L’on se marie alors souvent entre 20 et 25 ans et l’âge de 25 ans requis pour voter diminue sans doute le nombre des électeurs. Ce quotient électoral reste malgré tout très faible. La misère et la pauvreté en sont souvent les raisons.
De grands nombres de pauvres sont signalés dans les paroisses. Aux Cerqueux, comme à la Tourlandry ou à Vezins, des maisons de charité ont été créées pour les secourir. L’hygiène est déplorable et la mortalité importante, en partie en raison de la médiocrité du nombre et de la qualité des chirurgiens[4].
Par ailleurs, l’émiettement des propriétés évoqué plus haut interdit souvent aux électeurs potentiels d’atteindre les 10 livres d’imposition exigées. A l’origine, on ne devait autoriser à voter que les propriétaires, les « biens-tenants », mais on fut obligé d’y adjoindre tous les imposés non-propriétaires. Ainsi, aux Cerqueux, sur 26 votants, seulement 6 étaient propriétaires.
Dans de nombreuses paroisses une part importante des terres (et donc des revenus afférents) était détenue par le clergé. Aux Cerqueux la cure possédait 1/5 des terres de la paroisse. C’était une des proportions les plus importantes des Mauges[5]. Cette part réduit d’autant celle de la communauté rurale et augmente le nombre de petits fermiers, les bordiers, dont les ressources frisent la pauvreté.
Les élections eurent lieu fin août 1787 aux Cerqueux et, malgré les annonces faites précédemment au prône, l’empressement des électeurs resta relatif, comme on l’a vu. (26 votants sur 98).
Le Comte de Maulévrier, Ed. Victurien Ch. René de Colbert de Maulévrier, et le Curé des Cerqueux, André-Gervais Rabier, étaient, comme on l’a vu, membres de droit de cette administration. A leurs côtés furent élus :
  • Jean-Joseph Brosseau, 39 ans, laboureur à la Grande Foucherie, imposé pour 120 Livres et nommé syndic.
  • Pierre Simoneau, 44 ans, bordier à la Petite-Troche, imposé pour 32 Livres.
  • Pierre Jean Bonin, 35 ans, laboureur à la Sallée, imposé pour 139 Livres.
  • Et un dénommé J. Tixier, marchand.
Remarquons au passage qu’à eux seuls ces élus payaient près de 20 % des impôts de « Taille » de la paroisse.
Les réunions avaient lieu, en principe, une fois par semaine, à l’église ou au presbytère, à l’issue de la messe ou des vêpres. Mais il est fort vraisemblable que, comme pour la paroisse d’Yzernay, les réunions aient eut lieu à Maulévrier, où demeurait le Comte.
Les modifications dans l’assemblée municipale vont être modestes jusqu’aux troubles des guerres de Vendée puisque l’on retrouvera :
Pour l’Assemblée Municipale de 1787 ci-dessus :
Lors de l’enquête de l’assemblée provinciale de Juin 1788 : Les mêmes auxquels s’ajoutent :
  • Joseph Goupil
  • Jean Payneau qualifié de secrétaire-greffier.
Lors de la rédaction des cahiers de doléances, en mars 1789, les mêmes que ci-dessus auxquels s’ajoutent :
Enfin, en novembre 1791, lors de la rédaction de la pétition demandant le maintien du curé, on retrouvera :
  • Jean-Joseph Brosseau, qualifié de maire.
  • Jean Payneau qualifié de procureur.
  • Pierre Deniau qualifié d’agent municipal.
  • Bazile Brégeon, qualifié d’officier.
  • Pierre Caillé, greffier.
La déflagration de mars 1793 modifiera profondément l’organisation de l’administration communale puisqu’on ne retrouvera plus les noms ci-dessus dans les actes ou écrits. Ils seront remplacés par Pierre Devaud, Louis Boydron, Pierre Bénéteau, J. Loyal…

 

[1] Le suffrage censitaire est le mode de suffrage dans lequel seuls les citoyens dont le total des impôts directs dépasse un seuil, appelé cens, sont électeurs.
[2] Dans les Mauges, à la veille de la Révolution, la surface moyenne d’une borderie était de 3,9 ha.
[3] Le nombre de feux correspond peu ou prou à celui des chefs de famille.
[4] Les Cerqueux ne disposaient pas de chirurgien, ce dernier étant essentiellement requis pour les accouchements risqués (césariennes) ou les saignées prescrites par les médecins.
[5] Voir C. Port La Vendée Angevine Tome I, page 20.