Le 7 janvier 1795 arrive  à  la cure des Cerqueux le curé Cesvet. Nommé curé de Bouillé Saint-Paul en 1776, il avait refusé de prêter serment et s’était engagé dans les rangs de l’armée Vendéenne. Pris par les Républicains à Thouars, il leur avait échappé en traversant le Thouet à la nage. On le retrouve à Cholet en 1794, en compagnie de deux prêtres, dont le prieur de Saint-Varent, qui sont fusillés tandis qu’il s’échappe de nouveau.
Exerçant plus ou moins clandestinement pendant 3 ans, il réussit à se faire apprécier des paroissiens des Cerqueux.
A la fin de 1799, Bonaparte proclame la liberté des cultes, la réouverture des églises le dimanche et la fin des poursuites contre le clergé réfractaire. Mais le 6 nivôse an VIII (27 décembre 1799), il exige des prêtres un serment de fidélité à la nouvelle Constitution. Pas de problème dans le clergé constitutionnel ; chez les réfractaires, certains prêtent ce serment, d’autres, royalistes intransigeants, le refusent. C’est le cas pour le curé Cesvet.
En conséquence, il est remplacé en 1800, sur ordre de Monseigneur Montault[1], Evêque d’Angers, par le curé Avrillon. Mais Monsieur Cesvet ne l’entend pas de cette oreille. Il considère Mgr Montault comme un intrus et refuse d’abandonner sa place.
Le 15 août 1801, le pape Pie VII promulgue deux décisions : une exige la démission des évêques institués par Rome, la seconde demande celle des évêques élus. Sur les 81 évêques réfractaires encore en vie en 1801, 38 refusèrent d’adresser leur démission au pape et donnent ainsi naissance à la Petite Église. Certains villages des cantons de Cerizay, Bressuire, Moncoutant, Mauléon, Argenton-Château entrent donc en dissidence religieuse, l’idée que la Religion était « changée » se répandant rapidement dans le Bocage. Ils sont soutenus en cela par quelques évêques d’Ancien Régime, pour la plupart en exil[2].
La Petite Eglise comptait peu de prosélytes en Anjou. Deux paroisses seulement, Saint-Paul du Bois et Les Cerqueux, versèrent en masse dans la dissidence[3]. Ces paroisses relevaient auparavant du diocèse de La Rochelle dont l’ancien Evêque, Mgr de Coucy, soutenait activement la dissidence.
En 1802, le curé Cesvet  n’acceptant pas le Concordat sera celui qui formera un noyau de la Petite Eglise dans la paroisse des Cerqueux.
Monsieur Avrillon avise alors l’Evêque qu’il ne peut prendre possession de la cure qui est fermée, ainsi que l’église, dépouillée de ses ornements. L’Evêque informe le Préfet de ces faits et l’affaire est portée au gouvernement qui ordonne l’incarcération à Milan de Monsieur Cesvet.
Il faut donc le trouver… La gendarmerie s’y emploie de son mieux. Elle ne réussit cependant pas dans ses démarches car Mr Cesvet, qui a pour lui la grande majorité des habitants, se cache dans les fermes où il exerce son ministère.
En 1804, la situation est inchangée. Mr Avrillon, qui n’a ni logement ni assistance, se plaint de multiples incidents. On ne veut point assister à sa messe : une femme a volé une relique de la Vraie Croix dans le tabernacle qu’elle a forcé ; alors qu’il allait procéder à une sépulture, personne ne voulait aller porter le corps, et celui-ci étant au cimetière, la foule a attendu son départ pour venir prier ; enfin, le sacristain et la fabrique, qui sont en possession du calice, de l’ostensoir et de deux aubes, ne veulent pas les restituer.
avrillon acte de deces de 1807

Signature du Curé Avrillon sur un acte de décès de 1807

Le 2 avril 1804, le sous-préfet de Beaupréau, Mr Barré, avise le Préfet de Maine et Loire qu’il a eu un entretien avec Mr Cesvet. Il lui a proposé un sauf-conduit pour Loudun, son pays natal, et un autre pour Angers afin qu’il aille voir le Préfet, à la condition de renoncer a son activité. Mr Cesvet a promis de cesser son ministère et d’accepter les sauf-conduits, mais il n’en continue pas moins à empêcher Mr Avrillon de prendre possession de sa cure.
Le Ministre de la justice s’inquiète. Il enjoint au Sous-préfet de se rendre aux Cerqueux. Le Sous-préfet accomplit cette démarche et constate que Mr Cesvet rédige des mandements épiscopaux et est craint dans tout le pays. Le Sous-préfet demande au Gouvernement des fonds secrets à la fin de 1804. Mais en 1805, le conflit autour de Mr Cesvet et Mr Avrillon subsiste toujours. 50 habitants sur 500 vont à la messe du curé Avrillon.
Le nouveau maire, nommé par le Sous-préfet, lui rapporte que Mr Cesvet poursuit son activité et qu’il vient de vendre le jardin de la cure et les terres y attenant. Les malades meurent sans confession, les enfants ne vont pas au catéchisme et l’on ne célèbre plus de mariages. Les gendarmes continuent leurs recherches mais ne parviennent pas à mettre la main sur Mr Cesvet. (Voir le fait divers de la Trévellière en 1805)
Enfin, le 17 mars 1806, Mr Cesvet est arrêté chez Merle, bordier à la Bourserie de Saint-Aubin de Baubigné[4]. Il s’était présenté la veille au soir vers 11 heures chez Merle, demandant l’hospitalité pour la nuit seulement. Merle n’osa pas refuser. Le lendemain, vers 11 heures, Cesvet se mettait à table pour partir ensuite lorsque deux gendarmes de Châtillon frappèrent à la porte. Le dissident se rendit sans résistance [5]. Il est emmené à Bressuire entre les deux gendarmes et est emprisonné au château de Ham où il meurt le 28 août 1807, considéré comme un martyr par la population des Cerqueux qui ne reconnut que difficilement les successeurs les plus proches de Mr Cesvet. La dissidence ne disparut réellement aux Cerqueux qu’après 1820 puisqu’à l’été 1818 une enquête de la sous-préfecture citait encore Les Cerqueux comme étant en proie au schisme de la petite église.
[1] Mgr. MONTAULT (Charles), né à Loudun, département de la Vienne, le 30 avril 1755, sacré Evêque le  23 octobre 1791, décédé à Angers en juillet 1839. En 1793, il est arrêté. Il fut transporté de Poitiers à Paris pour y être jugé et guillotiné. Il arriva dans la capitale le lendemain de la mort de Robespierre. Ce fut son salut, mais il n’en eut pas moins à subir une captivité de six mois dans les prisons de la Conciergerie.
[2] Dont Mgr de Coucy ancien Evêque de La Rochelle : Dès 1791 il vécut une émigration difficile. Il refusa sa démission à Pie VII en 1801 contribuant par là à susciter le schisme de la Petite Église des Deux-Sèvres. Il fit partie des réfractaires. En 1803, Bonaparte demandait au roi d’Espagne de procéder à son arrestation. Coucy fut alors emprisonné et ne sortit qu’en 1807.
[3]La Petite Eglise dans la Vendée et les Deux Sèvres par Auguste Billaud
[4] Certains indiquent à tort qu’il fut appréhendé à la Margiraudière (Le grand village)
[5] Arch. Dép. des D.S. 4 M 6 ET 25 V des 27 et 28 mars 1806.

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