En mai 1901, Monseigneur Rumeau[1], Evêque d’Angers, effectue une visite aux Cerqueux. C’est la première fois depuis 50 ans qu’un évêque visite expressément la paroisse. Dans le compte-rendu ci-dessous qu’en fait l’évêque, on remarquera à quel point cette visite était à l’époque un évènement et, aussi, avec quelle « charité chrétienne » le curé n’hésitait pas à critiquer ses prédécesseurs sur la tenue de l’église et des comptes de la fabrique.

« Nous, Joseph Rumeau, Evêque d’Angers, au cours de nos visites pastorales et venant d’Yzernay où nous avions eu la consolation de bénir la première pierre de la nouvelle nef de l’église, nous nous sommes dirigés vers les Cerqueux sous la conduite de vingt cavaliers élégamment parés et de jeunes bicyclistes venus à notre rencontre. Il était environ cinq heures du soir.

A peine avions nous franchi les limites de la Paroisse qu’une attention pleine de délicatesse et que nous n’avions pas encore remarquée dans une visite pastorale, attira nos regards et réjouit notre cœur : à chaque carrefour, à chaque sentier menant aux métairies, des mains pieuses avaient planté des branches d’arbres, suspendu des guirlandes de fleurs et des inscriptions de circonstance. Pensée ingénieuse des habitants, qui, ne pouvant sur notre passage orner leurs maisons trop éloignées de la route, avaient tenu à décorer l’entrée du chemin qui y conduisait comme pour nous dire : « Père, vous avez ici des enfants qui vous aiment et se réjouissent de votre présence ». Cette intention délicate de la piété filiale de nos chers diocésains des Cerqueux nous toucha vivement.

A trois ou quatre cents mètres de l’église, devant le cimetière, la population entière nous attendait. Tous les hommes avaient quitté leurs champs et leurs travaux pour venir recevoir notre bénédiction… Nous fûmes d’abord salué par Monsieur le Curé entouré de son conseil de Fabrique, de Monsieur le Curé de Somloire et de son vicaire, de Monsieur Gaboriau, Curé du Doré, de Monsieur l’Abbé Gautreau, Vicaire de Saint-Germain.

Ces deux derniers enfants de la paroisse. 

Monsieur le Maire nous présenta son conseil municipal et nous dit quelques mots partis du cœur qui nous firent le plus grand plaisir. Nous lui répondîmes en lui exprimant toute notre reconnaissance et en lui disant combien nous étions heureux de ses sentiments chrétiens et de l’entente qui existait aux Cerqueux entre l’autorité civile et l’autorité religieuse.

Puis nous avons revêtu nos ornements Pontificaux dans une chapelle de verdure, préparée avec goût, près d’une gracieuse porte de ville, sur le fronton de laquelle étaient peintes nos armes.

La procession se mit bientôt en marche vers l’église au chant des psaumes liturgiques. Nous étions sous le dais, escorté d’une vingtaine de fusiliers dirigés par un chef qu’on eut dit formé au meilleur régiment de notre armée française. Et tout le long du parcours, orné d’arcs de triomphe, bordé de guirlandes de mousseline et de branches de houx, nous avons béni avec une grande joie, à l’exemple du Sauveur, les petits enfants et les mères qui se pressaient sur nos pas.

A l’église, Monsieur le Curé nous exprima d’abord sa joie et sa reconnaissance  de ce que nous avions voulu nous arrêter aux Cerqueux qui, depuis cinquante ans, attendait impatiemment la visite de leur Evêque.

Puis il nous exposa la situation matérielle et religieuse de son église et de sa paroisse.

En arrivant aux Cerqueux, il y a neuf ans, nous a-t-il dit, j’ai trouvé l’église en mauvais état, le chœur était neuf mais la nef était absolument délabrée. La Fabrique avait des dettes. Grâce à la générosité de mes paroissiens j’ai pu achever l’œuvre commencée et donner au Saint Lieu un aspect plus digne de la majesté divine. Je suis heureux de pouvoir déclarer à l’éloge de mes paroissiens, a-t-il poursuivi, qu’ils n’ont rien épargné pour restaurer les murs, les voûtes ; parer ces autels que vous voyez tout reciselés d’or et procurer à la sacristie des ornements et des vases sacrés vraiment magnifiques. Hier encore, à l’occasion de votre visite, Monseigneur, des âmes charitables nous ont donné ce beau devant d’autel brodé en or et ce dais splendide dont nous étions si heureux de vous offrir les prémices.

L’état religieux et moral de la paroisse est encore plus consolant.

La foi règne dans toutes les âmes, le dimanche est bien sanctifié, la prière se fait chaque soir en famille, et généralement on y ajoute le chapelet. Tous les adultes, ou à peu près tous, communient à Pâques et les hommes s’approchent de la sainte Table à Noël et à la Toussaint.

Pour alimenter la foi et développer la piété, nous avons d’abord une école chrétienne de filles, dirigée avec un grand succès par les religieuses de la Salle de Vihiers et fondée par une insigne bienfaitrice.

Nous avons aussi, pour les jeunes filles, une congrégation d’Enfants de Marie. Toutes sont fidèles à la communion mensuelle. Pour les grandes personnes, on a établi les confréries du Saint Sacrement et du Rosaire.

Cependant nous devons vous avouer avec tristesse que dans un milieu si chrétien, les vocations sacerdotales sont très rares : quatre prêtres seulement depuis 70 ans sont nés aux Cerqueux. Les vocations religieuses sont aussi peu nombreuses. A quoi tient cette lacune que je regrette vivement, je l’ignore. Mais j’espère que vos paroles édifiantes, vos prières et vos bénédictions, procureront à cette terre chrétienne une fécondité nouvelle qui fera la joie du Pasteur et l’honneur du troupeau.

Nous avons répondu à Monsieur le Curé que nous étions heureux de l’excellent accueil qui nous avait été fait et de l’exposé si consolant qu’il venait de nous faire sur l’état de sa paroisse ; que nos visites pastorales dans ce bon pays de la Vendée nous avaient procuré de grandes joies mais que l’une des meilleures était celle que nous ménageait les Cerqueux.

Que pourrions-nous dire de mieux en effet ? …

L’Evêque relève ce qu’il appelle « l’entente qui existait aux Cerqueux entre l’autorité civile et l’autorité religieuse. »

Au niveau national, cette entente n’allait pas durer longtemps car à Paris se préparait ce que l’on appellera la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

[1] Joseph Rumeau 1848-1940

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