La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat venait d’être votée.
En février 1906, le curé des Cerqueux, Barbault et le conseil de fabrique élèvent une virulente protestation contre les Inventaires de l’Eglise et du presbytère qui doivent avoir lieu dans les jours suivant :
« Le Curé et les membres du Conseil de fabrique de la paroisse des Cerqueux de Maulévrier protestent avec la dernière énergie contre une mesure qu’ils considèrent comme le prélude à la spoliation des biens mobiliers et immobiliers de l’Eglise et se refusent absolument à participer d’une manière quelconque à l’exécution d’une loi condamnée et réprouvée par le Souverain Pontife comme injurieuse à Dieu, contraire à la Divine constitution de l’Eglise, favorisant le schisme, spoliatrice des biens de l’Eglise, opposée au droit des gens, très funeste aux Evêques, au clergé et aux Catholiques de France. Ils déclarent qu’ils ne céderont qu’à la violence. »
Le jour de l’inventaire était fixé au 2 mars 1906 à une heure. Mais l’église étant fermée, le percepteur de Maulévrier dut se retirer sans avoir pu accomplir sa « vilaine besogne [1]».
D’après le curé Barbault, « cette tentative d’inventaire fut l’occasion d’une superbe manifestation de la part de la population qui se trouvait presqu’au complet dans l’église à l’heure annoncée. Dès le matin cinq heures et d’heure en heure jusqu’à onze heures, glas funèbre, et à partir de onze heures jusqu’à deux heures, sonnerie ininterrompue. Tous les fidèles réunis à l’église ne cessèrent de prier et de chanter. Quand à une heure, l’agent du Gouvernement se présenta pour entrer, mais en vain, il fût accueilli aux cris répétés de : « Vive la religion ! Pas d’inventaire ! Vive la liberté ! » Du reste, l’insistance de l’agent ne fut pas longue et à deux heures toute crainte avait disparu. Alors la foule des fidèles, parmi lesquels les hommes en plus grand nombre, s’écoula par une porte dérobée.
Inutile de décrire l’impression de tout ce monde dans une église naguère riche et en ce moment complètement dépouillée de ce qui en faisait la beauté : chemin de croix, candélabres, suspensions etc., tout avait disparu. Il ne restait plus, dominant l’assistance, que le drapeau du Sacré-Cœur en berne et le Maître-autel revêtu d’une tenture noire.
Ici ne devait pas se borner la protestation de la paroisse contre le cambriolage officiel. Pour prouver leur intention bien arrêtée de ne pas laisser inventorier leur église, les hommes se mettent en devoir de la défendre contre les coups de force de l’ennemi et immédiatement dressent en hauteur contre les portes de formidables barricades contre lesquelles le fer des persécuteurs se serait émoussé. Toutes les fenêtres de l’église sont grillées solidement, celles de la grande sacristie blindées de plaques d’acier. Les portes de la petite sacristie et du presbytère murées. En plus, dans le cas ou les vandales du gouvernement essaieraient de pénétrer par les fenêtres, des aiguillons armés de pointes, des balais d’ajoncs et d’épines noires avaient été préparés pour leur promener sur la figure ou tout autre endroit vulnérable.
De sorte que pendant un mois, l’accès à l’église ne fut possible que par le presbytère où bonne garde était faite pour éviter toute surprise. Si bien qu’un jour, trois sécularisés profitant d’un congé pour visiter les églises d’alentour barricadées comme la nôtre, firent tout un ennui par leur présence. Ils étaient inconnus, à tel point que les habitants du bourg, et les hommes surtout, commencèrent à s’armer pour venir défendre l’église qu’ils croyaient menacée.
Il fallut bien songer à donner un peu d’air à notre église qui avait plutôt l’aspect d’un camp retranché que d’une maison de paix, puis la semaine Sainte approchait. C’est alors qu’au regret de beaucoup qui eussent fait vaillamment leur devoir, on fit disparaître madriers, voliches, troncs d’arbres, barres de fer, barriques d’eau, aiguillons, balais qu’avaient assemblés dans l’église mes braves paroissiens à la foi aussi robuste que leurs chênes.
J’ai voulu laisser trace de cet événement sur les registres de la paroisse pour apprendre aux générations futures quelle fut l’intrépidité de la foi de leurs ancêtres au commencement du vingtième siècle, alors qu’en France, à ce moment, on croyait la foi à peu près disparue ou pas assez généreuse pour renouveler les hauts faits religieux des Vendéens quand ils défendirent leurs églises à la grande révolution, au prix de leur sang et de leur vie.
Gloire à Dieu qui a suscité ce réveil parmi nous. Nos ennemis n’y croyaient pas. La poussée de résistance a été si forte, si générale qu’ils ont du surseoir à leur sinistre besogne. Tout danger a t’il disparu ? Nous ne pourrions l’affirmer.