Pierre Devaud est né le 7 juin 1775 aux Cerqueux de Maulévrier, canton de Cholet, à la limite des Départements des Deux-Sèvres et de Maine et Loire. En 1792, année de sa première campagne, il habitait la ferme de Boisdon, située à quelques 500 mètres du bourg, avec son père Jacques et son frère cadet Jean. Il avait alors 17 ans. C’est à Boisdon qu’il dit avoir achevé la rédaction de ses mémoires, le 10 mars 1800. Un supplément sur ses campagnes de 1814 et 1815 sera daté du 25 août 1815 à Féole (Somloire). Entre-temps, il s’est marié avec Marie-Françoise Brégeon et s’est établi avec elle dans la métairie de Féole ou Fiole, sur la commune de Somloire . Les deux frères, Pierre et Jean, mourront en 1826 ([1]).
Le Livre de la Guerre de Pierre Devaud a été imprimé en 1882 par les soins de l’abbé Augereau, curé du Boupère, sous le titre de « Mémoires de Pierre Devaud ». Le texte de cette première édition, tirée à 120 exemplaires a été reproduit en 1910 par Henri Bourgeois dans « La Vendée Historique » ([2]). L’abbé Augereau avait d’abord pensé « qu’il convenait de traduire le récit de Pierre Devaud et de rétablir au moins les règles de grammaire ». Mais il jugea « qu’il valait mieux ne pas y toucher et reproduire son style avec sa saveur native ».
L’édition originale du livre est consultable via ce lien : Livre de la Gère
Pour en savoir plus sur « Le manuscrit de Pierre Devaud« 
Les cinquante et une marches de Pierre Devaud
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Plaque commémorative sur la ferme de Boisdon

En dehors de l’article du Dr Charles Coubard dans La Revue du Souvenir Vendéen, le récit de Pierre Devaud ne semble pas avoir retenu l’attention des historiens. Mais s’agit-il d’un véritable récit ? Visiblement, l’intention de Pierre Devaud est moins de raconter ses campagnes que de dresser un état complet des services rendus « au soutien des Bourbont, les rois de France et de Navarre » : la longue énumération des lieux traversés veut attester un dévouement. Le 6 novembre 1814, Pierre Devaud reçoit « la fleur de lie ». Mais, sans doute, comme tant d’autres, il souhaiterait une plus substantielle récompense : lorsqu’il prend soin d’estimer les dégâts après l’incendie de sa ferme de Boisdon par les Bleus, on devine son attente.
La sécheresse de l’énumération est rarement tempérée par quelque anecdote ou une impression. Ici ou là , un fait marquant. Mais très peu de dates.

Le soldat paysan 

L’infatigable Pierre Devaud aurait certainement participé à la campagne de 1832, s’il avait vécu 6 ans de plus. Pourtant les campagnes de Pierre Devaud et de ses compatriotes n’étaient pas de véritables campagnes militaires, et ces soldats n’étaient pas de vrais soldats. Même au plus fort de la Grand Guerre du printemps à l’automne 93, chacun revient chez soi, une fois les Bleus repoussés, pour vaquer aux travaux agricoles.
L’occupation de Saumur pendant quinze jours est une exception au milieu de cet incessant va-et-vient entre la ferme familiale et les champs de bataille.
En octobre 1793, la picotte [3] empêche Pierre Devaud de suivre la Grande Armée Outre-Loire : « Nous retournimes aux Cerqueux, écrit-il, et fime tout nos anblaisons (semailles du blé) au tent de la Toussaint »
Et pour ces soldats intermittents, les paniques sont aussi nombreuses que les actes de bravoure. La Rochejaquelein doit barrer la route aux fuyards sur le pont de Mainclaye, à la bataille de Luçon. Qu’à cela ne tienne, Pierre Devaud se jette à l’eau ! Au château du Boisgrolleau, exploit personnel, il va cri (quérir, chercher) son Bleu.
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Un insurgé Vendéen

Boisgrolleau, Luçon et aussi Saumur seront les trois batailles sur lesquelles Pierre Devaud aura consenti à donner quelques détails. Autrement, à peine, ici et là, l’énumération des lieux laisse-t-elle s’exprimer les souffrances endurées : la faim, la chaleur, la fatigue, la maladie. Pas de cris, pas d’indignation lorsque les Bleus brûlent Boisdon, mais on sent bien, à la hargne qu’il met à poursuivre les deux Bleus égallier (égaillés, isolés), qu’on vient d’attenter à son moyen de subsistance et à sa raison d’être de vrai paysan.
Obscur entre les obscurs, il marchera sous les ordres de son frère cadet Jean. Ce n’est qu’en 1815 qu’il sera nommé Capitaine de la paroisse de Somloire. Les chefs sont cités, la mort de La Rochejaquelein est signalée. Mais il semble ignorer la condamnation à mort de Marigny, et il ne parle pas de la mort de Stofflet, qu’il a le plus suivi. Il indique rarement sous quel général il se bat, mais le sait-il toujours ?
Si l’on excepte la marche sur la Châtaigneraie (2 mai), placée par erreur avant le rassemblement de Jallais (23 avril), l’ordre de marche semble respecter la chronologie. Mais les nombres des combattants et des tués dépassent toute vraisemblance. Sur cet espace défini et matérialisé par les multiples toponymes, la légende Vendée est en train de naître. Et les toponymes eux-mêmes, indépendamment des lieux qu’ils désignent, disent une autre histoire, une Vendée qui vient de plus loin.

Une graphie révélatrice

Pierre Devaud écrit, ou plutôt s’efforce d’écrire en Français, mais sa langue usuelle n’est pas celle qu’il écrit. Les Cerqueux de Maulévrier sont aux confins du Poitou et des Mauges. Le pays des Mauges appartint au comté du Poitou jusqu’en 941 et lors de la partition du diocèse de Poitiers, en 1317, le doyenné de Vihiers faisait encore partie du diocèse de Maillezais. Le glossaire de H. Cormeau ([4]) montre pour cette région de nombreux traits linguistiques communs avec le Poitevin-Saintongeais.
Pierre Devaud a été alphabétisé en français, mais visiblement, cette alphabétisation reste incomplète. La faute d’orthographe, la graphie, voire les calques linguistiques, les hypercorrections, révèleront une autre langue. Sans nous attacher aux aspects secondaires comme le redoublement des consonnes (Chollet), les emplois erronés de g (Arganton) ou de c (Crizais), la confusion dans les marques écrites des genres et des nombres, nous relèverons les formes les plus significatives.

 Conclusion

Qu’est ce qui a tant fait marcher Pierre Devaud et ses camarades ? On doute que ce fût le drapeau blanc et la cause des Bourbons comme indiqué dans le titre pour attirer les éventuelles récompenses ou compensations. Même si Le livre de la Gere ne dit rien d’explicite sur les motivations du marcheur, le retour systématique à la ferme familiale après chaque marche, l’usage de la langue régionale révélée par l’écriture du français, disent au moins l’attachement à une terre et l’appartenance à une culture. L’espace parcouru et marqué de 280 noms environ se confond avec celui de la Vendée militaire. En organisant cet espace à partir du foyer de Boisdon, en le marquant de multiples signes, Pierre Devaud s’approprie l’espace de la Vendée militaire et lui donne une dimension culturelle.

 

Les notes ci-dessus sont pour la plupart extraites du livre : « Les oubliés de la guerre de Vendée » de Alain Gérard et Thierry Heckmann « Société d’émulation de la Vendée » paru en janvier 1993 ainsi que la conclusion de Michel Gautier.
 HAUT DE PAGE
[1] Charles Coubard, « En relisant les mémoires de Pierre Devaud », Revue du Souvenir Vendéen, septembre 1955
[2] La Vendée Historique, 1910, pages 119-128, 133-138, 166-169, 195-199, 232-238, 260-263
[3] La picotte était le nom patois donné à la variole. En fait, la soi-disant « picotte » devait être une simple éruption de boutons, bien pratique comme excuse pour pouvoir revenir semer le blé et éviter de s’engager au loin dans une aventure aux conclusions plus qu’incertaines. (Commentaire L.L.)
[4] Henri Cormeau, Terroirs Mauges, Paris, 1912