C’est dans l’après-midi du vendredi 14 juin 1940 que les Allemands entrèrent dans un Paris déserté par deux de ses trois millions d’habitants d’alors. Devant l’avance de l’armée Allemande, ces derniers avaient fui en direction du Sud et de l’Ouest avec le souci principal de franchir les ponts sur la Loire avant que ceux-ci ne sautent. C’était l’exode.

D’Ancenis à Tours, les ponts sur la Loire étaient minés par les soins d’unités du 6ème  Régiment du Génie d’Angers et tenus par différentes unités combattantes. (Ceux que l’on nommera les Cadets de Saumur par exemple)

Le dimanche 16 juin, à la stupéfaction des habitants du Sud de la Loire, les réfugiés commencèrent à envahir les routes d’Anjou menant vers le Sud. Les premiers, passant Vihiers dans la matinée, arriveront aux Cerqueux dans l’après-midi se dirigeant vers Saint- Aubin de Baubigné.

Ce même dimanche 16 juin, la Préfecture d’Angers contactera le Maire des Cerqueux, afin de réquisitionner officiellement des cantonnements pour des militaires en repli. Il s’agissait principalement des unités du Génie stationnant près des ponts sur la Loire et encore en casernements à Angers.

C’est aussi et enfin dans l’après-midi du dimanche 16 juin que les débris de la 7ème armée, repoussés par l’avancée de l’armée allemande, commencèrent à franchir la Loire.

Le Maire réquisitionne aussitôt les granges, ateliers, hangars et usines. Voici ce qu’en écrit Eugène Gauthier qui habitait alors la Sèvrie : « Un jour du mois de Juin 1940, un ordre de réquisition arrive de la mairie des Cerqueux. Le village de la Sèvrie, qui comprend deux fermes doit mettre à disposition de l’armée des abris pour loger 200 soldats qui battent en retraite depuis la Belgique. La commune doit recevoir et loger 1500 hommes. Elle réquisitionne toutes les granges disponibles »

C’est aussi dans la journée de ce même dimanche 16 juin qu’ordre est donné à toutes les casernes du Génie d’Angers de préparer les paquetages pour partir vers le Sud dès le lendemain.

Dès le matin du lundi 17 juin, la journée s’annonce chaude et ensoleillée. Dans toutes les casernes d’Angers, Verneau, Desjardins ainsi que Eblé pour l’Ecole d’Application du Génie, toutes les troupes se lèvent aux aurores pour un départ vers le Sud fixé à 6 heures du matin. La totalité des militaires parvient à Chemillé sur le coup de 18 heures ce lundi soir.

Le mardi 18 juin, le temps est toujours aussi beau. Dès 8 heures du matin c’est le départ : une partie de la troupe se dirige vers Cholet l’autre vers La Tourlandry. Vers 11 heures le bruit des explosions des premiers ponts qui sautent sur La Loire parvient aux oreilles des soldats. Le soir, une Partie du régiment couche à la sortie de Cholet sur la route de la Tessoualle. L’autre partie est basée entre La Tourlandry et Vihiers.

Le mercredi 19 juin, les ponts finissent de sauter sur la Loire, d’Ancenis à Tours. Le 22éme Régiment de Tirailleurs Sénégalais fait manœuvre de Saint-Lambert du Lattay vers Nueil sur Layon et Argenton-Château. Le lendemain, au village de La Foucherie des Cerqueux, on apercevra trois de ces tirailleurs, sans armes, cherchant de la nourriture et se dirigeant vers le Sud.

La partie du 6ème génie ayant bivouaqué à la Tessoualle atteint Mauléon (Ex Châtillon Sur Sèvre) par la route de Moulins et campe place du château.  Au milieu du flot de réfugiés arrivant par la route de Somloire, les premiers éléments militaires parviennent Aux Cerqueux. Voici ce qu’écrit Eugène Gauthier : « Aux environs de 10 h ce matin de Juin, les soldats français commencent à pointer. Ils arrivent par petits groupes, de 4 ou 5 d’abord, fourbus. Ils avaient marché une bonne partie de la nuit pour éviter le mitraillage des avions Allemands. Ils avaient abandonné leurs camions avant de passer la Loire.
Après une pause de quelques heures à Vihiers où les chefs leurs avaient donné l’ordre de remettre toutes leurs armes dans un tas sur la place du marché, par étapes, ils poursuivaient leur route ne sachant pas où ils allaient.
Vers 11 h, arrive une partie importante du groupe. Ils s’installent dans la grange, sur de la paille, et dans l’après-midi prennent un repas. Un certain nombre n’ont pas encore rejoint leurs unités, ils n’arriveront que le lendemain matin. »

Le 20 juin, il fait toujours très beau et chaud. Aux Cerqueux les cantonnements s’organisent, tant dans les fermes que dans les hangars jusqu’à l’usine de la carrière de granit de la Foucherie. Ordre est donné aux soldats de déposer tous leurs brêlages de cuir dans la vielle école désaffectée qui était alors située sur la place de l’église. (Elle sera détruite en 1942) Beaucoup d’habitants de la commune se feront fabriquer des sandales et autres chaussures avec ces morceaux de cuir, précieux en ces temps de disette dus à la guerre. L’Etat-Major de la troupe s’établit à la Cure, accolée à l’église tandis que la roulante avec toutes ses réserves de vivres s’installe dans la cour et sous le hangar de l’hôtel du Cheval Blanc situé au carrefour de la route de Saint Aubin. De nombreux soldats, afin de gagner un peu d’argent, s’embauchent dans les fermes pour aider à la récolte de foin ou au sarclage des betteraves. Certains réclament des vêtements civils afin de pouvoir fuir. Mon grand-père habilla ainsi un soldat qui faisait les foins sur la ferme de La Tréveillère.

Un autre soldat, pressentant le pire, cacha ses papiers et documents personnels sous les tuiles d’une étable des Poizats. (Il les retrouvera intacts cinq ans plus tard à son retour de captivité)

A Mauléon, l’autre partie du régiment du Génie dépose aussi ses armes sur la place du château, l’Armistice ayant été demandé la veille par le maréchal Pétain. Le soir les premiers éléments des troupes Allemandes franchissent la Loire dans l’île de Gennes.

Le vendredi 21, les combats se déplacent vers Argenton-Château et Bressuire. Vers midi les Allemands, qui ont réussi à franchir la Loire entre Ancenis et Nantes arrivent à Cholet. A Mauléon, les troupes s’occupent : lessive, recherche de nourriture …

Le samedi 22, les Allemands, partis de Cholet et de Vihiers, essaiment dans toute la région.  Ils se présentent aux Cerqueux en fin de matinée. La capture des éléments du 6ème Génie est similaire à celle qui s’est déroulée à la même heure à St Hilaire du bois, à quelques kms de là, telle que décrite par Robert Prudhomme : « La troupe stationnée dans notre bourg ne montrait aucune réaction mais un anéantissement complet. Tous attendaient l’arrivée de l’ennemi pour se faire prendre et être délivrés de la guerre. Ces centaines de soldats, avec leurs officiers vont se rendre à un groupe de cinq soldats Allemands placé sous les ordres d’un sous -officier. Il était 11h 30 du matin »

Voici ce qu’écrit Eugène Gauthier pour les Cerqueux :
« Alors, deux side-cars, seulement, montés de 4 soldats Allemands, armés de mitraillettes et de grenades, font une descente dans le bourg des Cerqueux pour faire prisonnier un bataillon de 1500 soldats français du 6è Génie d’Angers. Les sentinelles qui montent la garde les conduisent au PC Français qui se situe à la Cure. Le commandant français met ses hommes en rangs sur la route et ses officiers les accompagnent jusqu’au camp aménagé exprès pour les tenir prisonniers »

D’autres témoins pensent qu’il  n’y avait pas plus de 1000 soldats mais un seul side-car et deux soldats Allemands pour les accompagner jusqu’au camp aménagé au lieu-dit Gouchaux, à l’entrée de Maulévrier, sur la route de Mauléon, en face du cynodrome actuel.

Les soldats stationnés à Mauléon furent eux aussi capturés ce samedi-là vers 13 heures. A partir de 21 heures ils furent acheminés, sous la pluie vers Maulévrier où ils rejoignirent leurs compagnons d’infortune à 1 heure du matin. Le lendemain, dimanche 23 juin à 6 heures du matin, tous les soldats prisonniers prirent la route de Chalonnes, atteint à 20 heures.

S’évadé lors de la traversée de la forêt de Nuaillé a été fort tentant pour beaucoup de soldats encadrés par seulement deux militaires Allemands pour mille soldats français. Il s’agissait alors de soldats en uniforme mais sans arme, les bras ballants, poussés comme un troupeau de moutons. Comment ne pas penser à la perte d’une célèbre de la 7ème compagnie ?

Mais l’armistice, signé la veille, leur faisait supposer une libération rapide or, la plupart d’entre-deux ne reviendront que 5 ans plus tard d’une dure captivité en Allemagne. Après Chalonnes, les prisonniers, toujours à pieds, rejoignirent Angers puis le camp d’Auvours au Mans. De là, ils furent acheminés par le train vers l’Allemagne où ils passèrent 5 longues et malheureuses années de captivité.

Sources :

Biographie de Michel Durrmeyer fait prisonnier aux Cerqueux le 22 juin 1940 : https://www.ordredelaliberation.fr/fr/compagnons/michel-durrmeyer

Biographie de Emile Meslé fait prisonnier aux Cerqueux le 22 juin 1940 :
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Mesl%C3%A9

Eugène Gauthier « Serviteur de Dieu et des hommes » TTI Services 79310 Mazières en Gâtine. 09/2014 Page 69 et 70