L’Association Grugéenne du souvenir du Maréchal Leclerc de Hauteclocque résume ainsi le parcours d’évasion vers la zone libre et l’Angleterre de celui qui n’était encore que le capitaine de Hauteclocque en Juin 1940. (1)
Le Capitaine de Hauteclocque part de Paris le matin du 26 juin avec une voiture et un chauffeur de chez Wendel (et sa bicyclette) dans l’espoir de retrouver sa femme et ses six enfants réfugiés au château de Champiré, à Grugé l’Hôpital dans le nord du Maine-et-Loire, propriété de la famille de Bodard. Sa sœur aînée, Yvonne, est mariée à M. Pierre de Bodard.
Le 26 juin 1940, en soirée, il arrive au château de Champiré où il retrouve ses parents, sa sœur Yvonne et des membres de sa famille. Sa femme, ses enfants, ses neveux et sa nièce sont partis en voiture et en vélo vers la Gironde, dans leur propriété viticole de Vergnes-les-Vignes près de Sainte-Foy-la-Grande. Le soir même, Philippe de Hauteclocque entend à la BBC une allocution du Général de Gaulle qui le conforte dans son intention de continuer le combat. Il décide alors de rejoindre le Chef de la France Libre à Londres, mais il lui faut trouver un moyen pour se procurer des papiers d’identité officiels disparus lors de son périple et surtout un laissez-passer.
Le 27 juin 1940, comme tous les matins, à 6 heure 30, Mme Yvonne de Bodard et le maire, Mr Edouard Delanoë, fidèles paroissiens, assistent à la messe dans l’église de Grugé l’Hôpital. Après l’office, dans la sacristie, en présence du maire et du curé secrétaire de mairie, Mme de Bodard explique la situation et le souhait de son frère Philippe. Elle leur remet une petite feuille rédigée de la main du Capitaine souhaitant un laissez-passer pour traverser les lignes allemandes, la ligne de démarcation et rejoindre la zone libre, sur laquelle on lit : « Philippe de Hauteclocque, représentant en vins, dégagé des obligations militaires, père de six enfants, souhaitant rejoindre son vignoble et sa famille dans le bordelais ».
Le maire et le secrétaire acceptent instantanément la demande du Capitaine, mais pour éviter d’attirer l’attention des occupants, il faut absolument changer le patronyme du demandeur. A Grugé l’Hôpital, les nombreux réfugiés belges (femmes et enfants) s’étaient repliés vers le sud devant l’avance allemande. En cette période très tourmentée, un homme jeune, seul et en bonne santé avec un nom à particule voulant partir vers le sud de la France, c’est-à-dire en zone libre, ne peut qu’attirer les soupçons d’un occupant qui recherche et emprisonne les officiers et les soldats français. On choisit un nom de famille commun en Picardie, ce sera « Leclerc ».
Le 28 juin 1940, de très bonne heure, Mme Yvonne de Bodard accompagne en vélo son frère sur une vingtaine de kilomètres. Il repart avec la bicyclette de femme subtilisée à un allemand qui l’avait volée à une jeune femme du personnel du château d’Etaule, étape de son périple antérieur.Philippe Leclerc, anonyme et seul, armé de sa seule volonté, retrouve en deux jours sa famille à Vergnes-les-Vignes dans la région bordelaise.
Leclerc quitte donc le Nord du Maine et Loire de très bonne heure le 28 Juin, au matin. Le 28 au soir, il couchera à Bressuire, comme l’indique la carte ci-dessous établie par l’association.
Certains témoignages attestent l’avoir vu passer tôt le matin du 28 Juin à Chalonnes sur Loire. Ce qui est vraisemblable au vu du parcours le plus direct. (2)
Eugène Gauthier qui avait alors 16 ans et habitait la Sèvrie en compagnie de son père Hilaire atteste, lui aussi, avoir vu passer le futur Maréchal Leclerc, dans l’après-midi du 28 Juin 40. Voici son témoignage (3) :
Un jour, un soldat français évadé plusieurs fois des camps de prisonniers passe à la maison et demande à Hilaire de la nourriture et un habit civil car il veut rejoindre l’Angleterre pour continuer les combats.
Il se dit lieutenant, puis capitaine. Il a un bandage autour de la tête. Sans donner son identité, il déclare que nous entendrons probablement parler de lui, un Leclerc qui veut poursuivre la lutte contre l’Allemagne. D’ailleurs, il organise déjà la résistance. Il demande à Hilaire de lui servir de boite à lettres pour ceux qui voudrait se joindre à lui et regagner l’Angleterre. Mais Hilaire a fait toute la guerre de 14-18 et il n’a aucunement l’intention de faire de la résistance en France. Bien qu’il ne fasse pas froid, nous sommes le 28 Juin 1940, Hilaire lui donne son pardessus tout neuf. Leclerc le met sur ses autres vêtements. Il lui donne à manger. Et Leclerc enfourche son vélo que les voisines lui ont amené discrètement pour qu’il ne perde pas de temps et qu’il reprenne son chemin. L’entretien a duré 10 minutes. Nous apprendrons bien plus tard que ce prisonnier évadé s’appelait Philippe de Hautecloque.
Mais comment le prendre au sérieux ? Il se disait lieutenant et peut-être capitaine. Il avait un bandage autour de la tête et paraissait misérable.
Et de fait, en lisant ses mémoire de guerre, nous apprendrons que ce 28 Juin 1940, Philippe de Hautecloque descendait d’Angers vers Bordeaux pour rejoindre sa femme et ses enfants qui s’étaient réfugier dans un château aux environs de Bordeaux.
Ce passage à la Sèvrie n’est pas invraisemblable pour quelqu’un venant, à l’époque, d’Yzernay et souhaitant rejoindre Bressuire. En effet, le chemin joignant la Sèvrie à la route les Aubiers-Maulévrier était alors carrossable, permettant de rejoindre Bressuire, soit par les Houlleries et Saint Aubin, soit par Les Aubiers. On peut comprendre aussi que Leclerc, dans sa situation, ait préféré emprunter les petits chemins de traverse plutôt que les grandes routes.
Au plus court, moins de 120 km séparent Grugé l’Hôpital (son lieu de départ) de Bressuire. Cette distance est tout à fait réalisable en une journée, pour quelqu’un de motivé, parti de très bonne heure. A noter que le vélo de femme qu’il avait depuis le départ, a été changé à la Sèvrie.
(1) http://association-grugeenne-du-souvenir.e-monsite.com/pages/un-homme-un-itineraire.html
(2) http://2db.forumactif.com/t857-parcours-du-capitaine-leclerc-en-1940
(3) Eugène Gauthier « Serviteur de Dieu et des hommes » TTI Services 79310 Mazières en Gâtine.09/2014 Page 69 et 70